• Leonard Percival Howell, le premier rasta

    Roll River Jordan - Ras Michael and the Sons of Negus (Trojan Nyahbinghi Box Set - CD1)

    Si vous trouvez un moyen de vous la procurer, il y a une émission du Kiraden* qui parle de ce très très grand personnage.

    Le premier rasta

            Tout d'abord, la chose à préciser pour commencer cet article est que Leonard Percival Howell n'a rien inventé de toutes les choses généralement associées aux rastas dans l'esprit des quidams. Il n'a inventé ni le port des dreadlocks, ni la consommation de ganja, ni la nature divine de Sa Majesté Impériale Selassie I, ni la négritude de Jésus Christ. Il a "simplement" appliqué les préceptes, attitudes et revendications que certains ne faisaient "que" théoriser et promouvoir comme Marcus Garvey*.

    Il est né le 16 juin 1898 à May Crawle River, en Jamaïque, dans la région de Clarendon, région agricole de l'île. Son père est né "libre" en Jamaïque, il a donc dû partir de rien. Devenu anglican par ses anciens maîtres, Charles Howell a réussi, à force de courage et de travail, à devenir notable et à assurer une certaine éducation à ses enfants.

    Leonard part très tôt vivre à New-York. Il voyage ensuite et atterrit à Panama. En 1917, il s'engage à l'armée mais déserte très peu de temps après, laissant cette guerre aux blancs. Il devient alors cuisinier dans un bateau sur lequel il naviguera pendant huit ans, visitant l'Afrique et l'Amérique, l'Europe et l'Asie. Marin, manœuvre, portier, il enchaîne les petits boulots puis ouvre un café à Harlem, un de ces ganja-pads où la marijuana circulait entre deux discours militants. En 1932, il retourne en Jamaïque où il adhère à la thèse de Marcus Garvey et contribue à la déification de Hailé Sélassié Ier. Tandis que Marcus "le moderne" rationnalise et essaye de susciter une prise de conscience populaire, Howell, lui, revêt l'habit prophétique et penche du côté des ressorts religieux, usant d'anecdotes historiques (ou non) pour fédérer les paysans jamaïcains. Il raconte l'histoire de cet empereur noir éthiopien qui a des employés blancs et aux pieds duquel s'est prosterné le Duc de York, envoyé de la couronne britannique. Pour servir son œuvre, Leonard Howell prétend parler plusieurs dialectes africains et fonde en 1934 la Société pour le Salut Éthiopien (Ethiopian Salvation Society).

    Leonard Percival Howell est un de ses personnages dont on devrait se souvenir comme un des premiers grands défenseurs de la cause noire : en Jamaïque, colonie anglaise administrée par la couronne, il clame la grandeur de la race noire, prône la consommation de marijuana comme sacrement et crie haut et fort qu'il ne faut plus verser l'impôt à la Reine d'Angleterre, alors qu'à cette époque, les noirs s'adressaient aux blancs la tête baissée. En 1935, lors d'un de ses nombreux procès, il s'adresse au juge − blanc − d'une façon inimaginable et lui dit : « Je te conseille de me donner la peine maximale car quand je serai à ta place, je ne te raterai pas. »

    En 1933, il est emprisonné pour avoir (tenté?) vendu 5000 photos de Sa Majesté, les présentant comme des passeports pour l'Éthiopie et insistant sur la nécessité du retour en Afrique. Il se base sur une prédiction du Révérend James Morris Webb, souvent attribuée à Marcus Garvey datant de 1924 et publiée dans le Daily Gleaner : « Regardez vers l'Afrique, où un roi noir sera couronné, car le jour de la délivrance est proche ». Il décide alors de bâtir une communauté autonome sous l'égide du nouveau messie. À sa sortie de prison, avec quelques personnes, il part dans les collines jamaïcaines, refuge des esclaves noirs révoltés appelés "Maroons". Ces collines devinrent un élément de la symbolique rasta, au point de figurer sur de nombreuses pochettes de disques de reggae tels que Rise & Shine de Peter Broggs sur laquelle Broggs court au milieu des pieds d'herbe, ou encore dessiné en arrière-plan du Tribute to the martyrs de Steel Pulse. Man In The Hills de Burning Spear fait aussi référence à ses collines, que l'ont peut parfois confondre avec les Monts d'Éthiopie, comme une promesse, comme sur l'album Visons de Dennis Brown.

    Le Pinnacle est donc construit à l'est de l'île, vers Spanish Town. Il y rassemble des travailleurs indiens venus remplacer les esclaves noirs des plantations désormais affranchis et prend le nom de Ganguru Maragh (ou Gong pour les intimes). le lieu devient le lieu de vie et la ferme communale des hommes, femmes et enfants du groupe. Howell adopte un régime végétarien et crée une liturgie basée sur l'encens et les volutes de ganja. La communauté, dôtée d'un certain équilibre démographique, jouit d'une certaine sécurité matérielle grâce à la culture de champs de coton et de plus de 180 000 pieds de cannabis.

    La communauté du Pinnacle n'étant pas extensible, certains membres sont invités à aller trouver bonne fortune ailleurs. Souvent, ces personnes vont se joindres aux familles pauvres du quartier surpeuplé de Back O'Wall, à l'Ouest de Kingston. C'est donc à partir de ce quartier que Rastafari se diffusera dans la capitale puis dans toute l'île.

    Considéré comme fou, Howell s'est vu enfermé en asile et en prison à plusieurs reprises. Sa maison est incendiée, il subit les attaques des politiciens, des policiers et de l'Église. En 1954, le Pinnacle est relié à la route, ce qui met en péril la tranquilité de la communauté. Le succès du commerce de la marijuana attire bientôt les gunmens qui cherchent alors à en prendre le contrôle. Après des assauts répétés en 1958, Howell doit dissoudre la communauté et s'enfuir. Il se réfugie à Tredegar Park, où il vivra terré et paranoïaque, sombrant dans l’anonymat comme Marcus Garvey, oublié des siens comme de ses ennemis. Il y meurt en 1981, la même année que Bob Marley. Ironie de l’histoire, Bob Marley avait fait d’Howell un de ses maîtres spirituels même s’il se promettait d’échapper à son destin, chantant « moi, je serai plus dur ("tuff") que le Gong (Howell) ». C’est même cette référence qui servit de nom au label créé par Marley.




    Biliographie :

    Couverture du livre Le Premier Rasta

    [LIVRE] Le Premier Rasta, Hélène Lee
    [DOC. VIDÉO] Le Premier Rasta, réalisé par Hélène Lee toujours. Pas de nouvelle de sa sortie ou quoi que ce soit : voici le trailer


    Tags Tags : , , , , , , , , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :